Musiques arabes, soleil écrasant et road-trip

Maroc, année 2002. A cette époque, je faisais partie d’une association nommée Arpèges. On pouvait y pratiquer le théâtre, et surtout apprendre un instrument. J’y ai appris le piano pendant quatorze ans, et suis montée sur scène chaque année, depuis mes six ans. Cette année-là, nous avions commencé un projet de partage culturel avec des musiciens marocains. Nous les avons accueillis à Rennes, eux et leurs familles, pour leur faire découvrir notre musique et eux la leur. Et en 2002, ce fut notre tour d’aller les voir.

Nous avons visité Safi, Casablanca, Marrakech… Séjourné chez les familles des musiciens, qui nous ont fait découvrir leur culture avec une générosité qui m’a marquée. J’ai de nombreux souvenirs de ce voyage, entre les touristes de la place Jemaa el Fna, la blancheur de Casablanca, le soleil écrasant, le thé à la menthe, le port de sardines de Safi, les sons chantants de la langue arabe, la technicité des musiciens lorsqu’ils jouaient du tar, les poteries marocaines, la chaleur étouffante du hammam… Tout ça était pour moi d’une nouveauté absolue. Si je repasse mes souvenirs de ce voyage, nous avons finalement visité la même chose que beaucoup de touristes. Mais j’en garde un souvenir enrichissant, car il y avait la musique. Et nous avons vécu deux semaines chez des habitants de Safi, ce qui nous a permis de ne pas vivre un voyage de simples touristes à mes yeux!

En retour de leur accueil, nous avions préparé un spectacle musical, que nous avons joué pour eux quelques fois. Et l’un de mes plus beaux souvenirs de ce voyage est lié à une représentation que nous avions donné devant des enfants placés dans l’équivalent d’un foyer. Le public était peu attentif à notre spectacle, et nous l’avons joué dans un brouhaha de rires et discussions à haute voix. Tant pis! Nous avions mis du coeur à le monter, ce spectacle. Alors nous mettrons du coeur à le jouer.

Je me souviens que notre spectacle consistait en une série de sketches, poèmes et chansons jouées par les membres de notre association, seuls ou en groupe. A un moment du spectacle, je devais lire un poème. J’avais pour tout costume de simples habits noirs, et aucune musique n’était prévue pour m’accompagner.

J’entre en scène. Je suis seule. Je me souviens que je n’avais pas le trac cette fois-ci. Quelques pas suffisent pour me placer devant le micro. Après un moment de contemplation de la feuille sur laquelle est imprimé mon poème, je commence. Le titre m’a échappé, mais je me souviens de ce que le texte racontait. L’auteur imaginait un personnage qui faisait la guerre à chacun des peuples de la terre, pour des raisons absurdes. Jaunes, noirs, blancs, différents, personne ne trouvait justice aux yeux du personnage du poème. Peu à peu, tous ses opposants disparaissaient, et il se retrouvait tout seul sur terre. Je me souviens juste de la dernière phrase : « S’il n’y a personne, à qui vais-je bien pouvoir faire la guerre? ». Le message était simple, mais je l’ai ressenti profondément. J’ai essayé de le transmettre, posément, en prenant mon temps, en posant quelques silences par ci-par là. Et voilà que j’avais fini ma lecture.

Je sors de scène, souriante. Et là, on me félicite.
« Tu n’as pas remarqué? La salle s’est tue pendant ton poème! » Non, effectivement. J’étais prise par ce que je jouais.
J’ai vécu beaucoup d’émotions fortes sur scène, et en voyage. Et ce moment-là restera l’un de mes souvenirs les plus marquants de mon passage au Maroc.

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