Mon journal de reconversion #3

Je me souviens notamment de ce Père catholique, qui m’a beaucoup marquée. Quel était son nom ? Je le nommerai ici Abu Malek, même si ce n’était pas comme ça qu’il s’appelait. Je me souviendrai toujours de lui, je crois. Il était grand, et dût être massif et imposant lorsqu’il était plus jeune. Ses mains étaient larges, ainsi que ses épaules, pour un homme de cet âge. Il devait avoir quatre-vingt ou quatre-vingt dix ans. Abu Malek me faisait penser à une statue de granite, de par sa carrure. On m’avait raconté que c’était quelqu’un d’érudit il fut un temps, qui traduisit le Coran en français si je ne me trompe pas. Ce personnage m’intriguait, j’avais envie de l’entendre raconter les histoires de son passé, comme le faisaient beaucoup de résidents. Mais Abu Malek avait un handicap majeur. Il était quasiment sourd, et de ce fait il s’isolait de plus en plus, les membres du personnel étant trop peu nombreux pour pouvoir continuer à le stimuler régulièrement. Il s’enfermait peu à peu dans une solitude forcée, de par sa condition. Et moi, j’étais frustrée de ne pas pouvoir communiquer avec lui. Les jours passant, l’idée de trouver un moyen de communiquer avec lui me trottait dans la tête. Et un matin, j’essayai de lui présenter un petit papier sur lequel était noté : « Bonjour mon Père, comment allez vous ? ». Surprise ! Il leva la tête, me considéra, et me sourit en hochant la tête comme pour dire oui. C’était donc possible de communiquer avec lui par écrit…
Le travail des bénévoles consistait notamment à organiser des activités pour les personnes âgées l’après-midi. Je profitai d’une journée pour me munir d’un cahier et d’un crayon. Je m’assis à côté de Malek, et écrivis la même phrase de salut avant de lui tendre le crayon. Il le prit, et esquissa un geste pour écrire quelque chose. Son corps étant fatigué par la vieillesse qui l’avait gagné, sa main était très lente, et mon regard s’accrocha à celle-ci, tant j’attendais ardemment de voir si mon petit stratagème allait marcher.

« Oui, je vais bien merci, et vous ? » Le sentiment de satisfaction que je ressentis à cet instant, je m’en souviens encore. J’étais très heureuse d’avoir réussi à dépasser les handicaps de cet homme pour pouvoir communiquer avec lui, et avec le recul, je pense que ce sont des moments comme celui-ci qui m’ont décidée à choisir mon orientation.

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