
Être quelqu’un d’angoissé ou de très émotif, ce peut être un véritable fardeau à porter tous les jours, dans un monde où l’hypersensibilité est encore vue comme une faiblesse. Ce fut un long voyage en moi-même pour accepter mes noeuds émotionnels et apprendre à rassurer mes angoisses plutôt que de les refouler. Je m’accepte beaucoup mieux telle que je suis aujourd’hui, même s’il reste encore du travail. Par intérêt thérapeutique d’abord, et pour (qui sait?) aider d’autres personnes qui seraient aux prises avec ce type de problèmes, parlons émotions!
Mon syndrome de l’imposteur, il s’exprime surtout en amour et au travail. Lorsque j’ai compris que l’homme qui est aujourd’hui mon mari s’intéressait à moi, ma première réaction a été de me demander comment un homme pareil pouvait s’intéresser à une femme comme moi. Cela complique la construction de la confiance, car à ce sentiment s’ajoute une peur de l’abandon. Cela complique aussi le fait de se livrer à l’autre et d’exprimer un désaccord par exemple, on a peur de perdre l’amour de l’autre s’il nous voit tel qu’on est, puisqu’on se pense indigne de susciter un tel sentiment. Enfin, cela rend difficile le fait d’agir naturellement, car on pense de l’autre qu’il aime une certaine image de nous-même, et pas notre vrai Moi. Cette image, on se sent obligé de l’entretenir plutôt que d’être nous-mêmes, pour ne pas briser ce sentiment amoureux.
Ensuite, j’occupe un poste qui me demande de savoir énormément de choses, et de me reposer sur l’équipe pour pouvoir gérer des tâches que je n’ai jamais fait, ou que je ne sais pas faire. J’ai très souvent peur de l’erreur, pour qu’on se rende compte que je suis inapte à exercer ma fonction. Ensuite, j’ai souvent peur de demander de l’aide par peur de passer pour une idiote, ou de reconnaître une erreur par peur encore une fois qu’on me prenne pour une imposteure.
Je ne suis pas plus idiote, ni plus aimable, ni plus inapte qu’une autre. La perfection n’existe pas, mais le manque de confiance et d’amour envers soi-même nous fait bien souvent nous dénigrer plus bas que terre alors que nous ne le méritons pas. La perfection n’existe pas, mais il faut savoir aussi reconnaître sa valeur. Et s’aimer soi.
Alors d’où ça vient, tout ça?
Je manque cruellement de confiance en moi depuis toujours et mon éducation (paternelle, notamment) m’a inculquée un principe de non-satisfaction de soi (être satisfait, c’est être imbu de soi-même et se reposer sur ses lauriers – faux, et toxique!) et d’ambition (toujours vouloir faire plus haut, plus fort et mieux – du coup c’est facile de se sentir coupable d’avoir besoin de se reposer…). Ado, je me suis construite beaucoup dans la comparaison, ce qui m’a laissé des séquelles. Comparaison avec les autres d’abord : toujours plus beaux, plus à l’aise, plus doués, meilleurs que moi. Comparaison avec mon père, ensuite : perpétuellement dans le faire, bardé de réussites, occupant des postes importants, et prompt à me faire remarquer le fait que je ne suis ni irréprochable, ni incroyable, ni parfaite (humaine, finalement). Tout cela a bien souvent paralysé ma créativité : pourquoi agir, puisqu’on ne sera évidemment pas à la hauteur? Et je me suis souvent retrouvée coincée entre mes rêves et ma peur de l’échec.
Résultat des courses, je me suis longtemps retrouvée coincée dans cet entre-deux dont je n’arrivais pas à me sortir, débordée par une montagne de choses à faire dont je me chargeais par mimétisme de ce modèle paternel dont j’ai été témoin toute ma vie. Comme s’il fallait être perpétuellement débordée (et stressée) pour avoir l’air importante, compétente, et insérée dans ce modèle qui ne me convient pas. Car cette idée de la vie professionnelle, et personnelle, est finalement très vieille France. Et pour une zèbre comme moi, c’est très difficile à vivre. Imaginez un peu ce cercle vicieux : chaque jour, je me dresse une liste monstrueuse de choses à gérer, que je n’arrive pas à mener à bien parce que les journées ne durent pas quarante-huit heures, et parce que ce rythme impose un déni de ses limites corporelles et de sa fatigabilité. Comme je n’y arrive pas, je culpabilise. Je me sens nulle. Mon mental bourdonne. Je suis parasitée par tout un tas de sentiments négatifs, et je reporte au lendemain ce que je n’ai pas fait aujourd’hui. Les jours où je me repose, c’est pareil. Je culpabilise de ne pas être dans le faire, je me sens nulle de ne pas avoir la force de travailler perpétuellement comme mon père…
La question est alors : comment se sortir de tout ça?
D’abord, pour moi, prendre conscience que ce schéma répétitif n’est pas normal, est une première étape importante. On a le droit d’être fatigable. On a le droit d’avoir ses limites. On est pas une mauvaise personne si on arrive pas à déplacer le Mont Blanc sur la distance Paris-Marseille tous les jours. Ce n’est pas grave si on est moins productif parfois. Ce n’est pas grave si on a envie de ne rien faire, si on reporte à demain des choses parce qu’on est fatigué et qu’on a envie de prendre du temps pour soi. Le principal est d’agir, selon soi. Et…
De ne pas se comparer. Jamais. Notre personne est belle, est parfaite dans ses imperfections, telle qu’elle est. Il est plus rapide d’apprendre à s’aimer tel qu’on est plutôt que de vivre dans la comparaison : il y aura toujours une personne que l’on trouvera plus belle, plus forte, plus douée que nous.
Faire le tri dans sa vie, et agir réellement. Ce qui m’a aidée, c’est de regarder mes monceaux de listes de choses à faire, de projets et de rêves, et de me poser ces questions : est ce que je veux le faire? Est ce que c’est nécessaire de le faire? Est ce que je me sens capable de le réaliser? Et peut-être le plus dur, poser un acte. Quel qu’il soit. En acceptant l’échec. Parce qu’on réussisse ou pas, on aura au moins la satisfaction d’avoir essayé, plutôt que les regrets de ne pas avoir tenté.
Enfin, accueillir ses émotions, et les écouter, les rassurer plutôt que de les refuser ou les refouler. Et c’est un gros, gros travail pour les hypersensibles… Et un long chemin à faire pour s’accepter tel qu’on est. Mais je l’apprends avec le temps, ça vaut la peine d’apprendre à se connaître et à s’aimer!
De nouveaux journaux sont à venir!
La première des choses tient peut être dans le fait d’être indulgent avec soi, et puis d’aller simplement vers ce qui nous correspond véritablement. Etre soi et non pas ce que les autres voudraient que l’on soit. Que peut il arriver ? Ne dit on pas soit je réussi soit j’apprends ! Ce peut être plus difficile dans le monde du travail, mais je pense que si l’on va vers ce qui nous va, cela ne peut que fonctionner ! Merci pour ce témoignage.
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Merci pour ta réaction ! Justement pour certains c’est compliqué d’aller vers ce qui nous correspond véritablement, pour plein de raisons dont ce sentiment d’imposture… L’important est de le reconnaître, et de travailler ce sentiment pour accepter son propre droit au bonheur 🙂 et écouter ses besoins !
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