Mon journal de reconversion #1

Chapitre 1 : Hypersensibilité et monde du travail

25 février 2021 : jour 1

Ca y est, je me lance.

Je pensais avoir trouvé un lieu de travail qui me permettrait de me sentir assez bien pour y envisager un CDI en attendant que mes projets soient assez viables pour quitter le social pur et dur, mais ce n’est pas le cas. Et c’est bien dommage. Le trop-plein que je ressens est lié aussi à des difficultés personnelles, c’est vrai. Mais le travail ne devrait pas en rajouter. C’est mon ressenti. D’autant plus dans une branche qui en comporte déjà tellement par essence.

Alors c’est le moment de me lancer.

Faisons un point. Je vis un ras le bol généralisé, exacerbé par un sentiment de trahison lié à ma hiérarchie. En fait, le foyer où je travaille est déjà très dur en soi. Précisons que je n’ai jamais craint les difficultés liées à mon métier, bien que j’ai déjà eu peur pour mon intégrité physique au travail une fois. Les bagarres, les coups, les insultes, la maladie, les pathologies psy et les parcours de vie chaotiques ne me font pas peur, mais cette fois-ci j’ai peur de mettre en danger mon entourage à cause des failles institutionnelles de ma structure, mises en exergue par le coronavirus. Et ça, je ne l’accepte pas. Je suis peut-être éduc, mais j’ai mes limites.

La structure où je travaille est un foyer accueillant des mineurs isolés étrangers. Ce devait être un foyer provisoire, qui s’est transformé en un foyer permanent. Les jeunes sont donc hébergés dans des conditions lamentables. Les locaux sont vétustes, n’ont pas été rénovés, seulement réaménagés à la va-vite. Les locaux sont infestés par la gale, les punaises de lit, les rats, la moisissure, les problèmes de plomberie sont récurrents et la saleté omniprésente. La structure peut accueillir jusqu’à 100 jeunes, pour 30 professionnels dont seulement 13 travailleurs sociaux qui travaillent en référence unique. La charge de travail est incroyable, et les conditions déplorables. Et plus encore, le collectif devient maltraitant pour certains jeunes, qui développent des troubles du sommeil et psychologiques. Par la force des choses.

Mais ce qui m’a plu, en arrivant là, c’était le travail, l’équipe, et les jeunes. Ils débordent d’une énergie incroyable et d’une envie de s’en sortir qui force le respect. A mes yeux, les jeunes nés en France ont tellement à apprendre d’eux. J’ai écumé quelques structures dans ma jeune vie professionnelle. Et je n’ai que très rarement trouvé une émulsion et un militantisme dans une équipe qui m’a autant plu que dans ce foyer. J’ai connu des équipes sclérosées, des environnements de travail désabusés, du harcèlement au travail, des pratiques inadaptées… Et lorsqu’on m’a fait miroiter un CDI là-bas, je l’ai même envisagé. Pour moi, c’est un énorme pas, le CDI. Je voyais avant ce type de contrat comme des menottes que l’on attacherait à mes poignets.

Mais bon. Ma structure a en plus son lot de failles institutionnelles. Et c’est peu dire. Nous n’avons pas de projet d’établissement, l’équipe est paralysée souvent pas de grosses dissensions, il y a des passe-droits. Et la cerise sur le gâteau intervint avec le covid.

Nous avons le variant anglais détecté au sein de notre structure. Deux cas positifs, sûrement plus vu la promiscuité. Au moins onze jeunes cas contacts. Pas de test massif prévu, « c’est en réflexion », pas de protocole sanitaire, et pas de volonté de protéger les professionnels dont certains ont des profils à risques vis à vis de cette maladie. Et les efforts conjoints de la coordo et de l’infirmière pour instaurer un cadre ne seront probablement pas constructifs, en l’absence de volonté de la part de notre chef de service qui ne souhaite pas organiser de dépistage de masse.

Cette fois-ci, c’est trop. J’ai peur de transmettre le covid à mon fils de quatre mois, et à mes parents qui sont âgés et en mauvaise santé. Et ça, je le vis très mal. J’accepte sans problème les difficultés que peuvent m’apporter mon travail. Mais qu’il mette en danger mon entourage, je ne le veux pas. Je ne souffrirai plus à cause de mon travail, c’est décidé. Et ce CDI, on va y repenser. Mieux vaut utiliser les mois qui restent à mon contrat pour me remettre à flot financièrement, et réfléchir à me retourner.

Je choisirai un autre chemin.

A suivre…

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