
Ce mois-ci, je vous propose de vous munir de biĂšres pour une soirĂ©e film. On va parler dâun dessin animĂ© bien particulier. Et puisque je nâai pas envie de me fouler pour introduire cette chronique, je commencerai par une petite question. Vous-ĂȘtes vous dĂ©jĂ demandĂ©s ce que pourraient donner des zombies nazis, des stripteaseuses, satan, des catcheurs mexicains et un robot Ă©rotomane rassemblĂ©s dans un film ? Moi non plus. Mais Rob Zombie a tout de mĂȘme la rĂ©ponse.
Vous connaissez Rob Zombie ? Allez, on va dire que non. DerriĂšre ce nom digne dâun chasseur de monstres tout droit sorti dâun film Z, il y a un chanteur/compositeur de mĂ©tal, issu de la scĂšne indus amĂ©ricaine. Il a créé le groupe White Zombie, pour ensuite se faire connaĂźtre avec le groupe qui porte son nom. Mais lâartiste est aussi connu pour son attrait plutĂŽt prononcĂ© pour le cinĂ©ma de genre, les slashers et autres films de monstres. Il compte aussi une carriĂšre de rĂ©alisateur, scĂ©nariste, acteur de doublage, rĂ©alise ses clips et de temps en temps des pubs. Il compte sept longs-mĂ©trages Ă son actif. Il a rĂ©alisĂ© notamment un remake dâHalloween (le classique de John Carpenter), des slashers sympathiques (31, La Maison des 1000 Morts), dĂ©peint des univers plutĂŽt sombres (Lords of Salem) et aime globalement nous offrir des longs-mĂ©trages volontairement gore et transgressifs. Son film culte sâappelle The Devilâs Rejects (2005), et fait suite Ă La Maison des 1000 morts. Dans une ambiance trĂšs road-movie, il raconte la cavale meurtriĂšre de la famille Firefly, une bande de tueurs psychopathes dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s. LĂ oĂč le film a marquĂ© les fans de Robbie, câest dans sa narration. Le point de vue dâidentification du spectateur est inversĂ© pendant le dĂ©roulement de lâhistoire, et nous amĂšne Ă nous attacher Ă des personnages abjects. Le rĂ©alisateur le fait dâune maniĂšre trĂšs subtile, en jouant avec lâimagerie dâidentification normalement rĂ©servĂ©e aux hĂ©ros au cinĂ©ma.
Mais je ne suis pas lĂ pour faire une review de la filmographie de Rob Zombie ! Si vous ne connaissez pas son univers, je vous invite Ă le dĂ©couvrir Toutes ses rĂ©alisations valent le coup dâoeil, et comptent parmi elles quelques petites surprises un peu moins connues.
Si jâaime beaucoup Rob Zombie, câest en grande partie pour sa libertĂ© de ton. Quâon aime ou pas sa musique et ses films, le rĂ©al sâest toujours dĂ©brouillĂ© pour raconter ce quâil voulait, quelles que soient les circonstances. Tous ses films font la part belle Ă lâultraviolence, au sexe explicite et globalement Ă un bon nombre de transgressions morales tout en rendant hommage Ă un large pan du cinĂ©ma de genre, Ă un tel point quâon pourrait se dire que son vĂ©ritable art a toujours Ă©tĂ© dâarriver Ă raconter ce quâil voulait en passant outre les barriĂšres des bonnes moeurs. Peut-ĂȘtre faudrait-il rappeler quâil sâest coupĂ© de beaucoup de producteurs hollywoodiens en se fĂąchant avec les frĂšres Weinstein ? A lâĂ©poque prĂ© #metoo, il fallait en avoir dans le caleçon.
AuprĂšs du grand public, ses rĂ©alisations ne font pas lâunanimitĂ©. Et câest souvent cette violence dĂ©complexĂ©e qui lui est reprochĂ©e. Mais cantonner lâartiste au genre du torture porn serait une erreur, et The Devilâs Rejects en est un exemple type par son concept osĂ© et malaisant. Il est un peu plus quâune espĂšce de sadique visant Ă choquer son audience par tous les moyens. Quâon aime ou pas les histoires de psychopathes dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s et de sorciĂšres sataniques, son univers reste sans concession mais sincĂšre. A prendre ou Ă laisser !

The Haunted World of El Superbeasto (2009) est un dessin animĂ© scĂ©narisĂ© par Rob Zombie et Mr Lawrence, acteur de doublage sur le dessin animĂ© Bob lâEponge. Il est basĂ© sur un comics Ă©crit par le chanteur. A sa sortie aux USA, il a Ă©tĂ© interdit en salles aux mineurs, pour son contenu violent et sexuellement explicite. Sa recette est en effet trĂšs simple : du sexe, des filles, des zombies nazi, du sang, des rĂ©fĂ©rences cinĂ©matographiques au quintal, un singe libidineux, des scĂ©naristes qui assument le dĂ©lire jusquâau bout, et une bonne grosse dose dâhumour dĂ©bile. Personnellement, il nâen faut pas plus pour me plaire !
âIl Ă©tait une fois, dans le monde des films dâhorreur, un catcheur mexicain star du X, nommĂ© El Superbeasto. Il manie aussi bien ses poings que la drague lourdaude, quâil pratique tous les soirs dans son club de striptease prĂ©fĂ©rĂ©. Suzy X, sa soeur, est une espionne internationale âtueuse de sacs Ă merdeâ, excellant dans lâart de la dĂ©capitation de zombies nazi. Elle est la crĂ©atrice de Murray, un robot Ă©rotomane.
Tout bascule le soir oĂč âBeasto assiste Ă une danse de la stripteaseuse Velvet von Black. Elle qui âest plus addictive quâune montagne de crackâ, et qui âvous rend plus dur quâun cours de mathsâ, fait un effet boeuf au catcheur qui (a soudain furieusement envie de se la faire) en tombe amoureux. Mais le Dr Satan la fait kidnapper par son singe domestique: la belle possĂšde LA marque impie (un tatouage 666 sur la fesse droite), qui lui permettra dâaccomplir une prophĂ©tie censĂ©e le rendre surpuissant. Il doit pour cela sâunir avec elle, et en faire sa femme. Notre duo hĂ©roĂŻque se lance alors Ă la poursuite des ravisseurs, pour tenter de sauver le monde ! â
Comme dâhabitude avec le rĂ©alisateur, le dessin animĂ© nâest pas apprĂ©ciĂ© de tous, mĂȘme parmi ses fans. Les principales critiques pointent un humour lourdaud et gratuit, tant dans son cĂŽtĂ© Ă©rotique que dans son univers inspirĂ© du cinĂ©ma de genre. Et câest vrai quâon peut admettre que Robbie sâest lĂąchĂ©. DĂšs les cinq premiĂšres minutes, on a droit Ă une scĂšne de sexe Ă la sauce tomate pour le moins Ă©trange, qui donne le ton pour le reste du film ! Du coup, point de sous-texte philosophique sur la noirceur de lâĂąme humaine ici : il ne faut pas chercher un sens, il nây en a pas ! Le film est un dĂ©lire du rĂ©al qui en assume complĂštement la vacuitĂ©, et va jusquâĂ prĂ©venir son spectateur : dans une scĂšne dâouverture reprise quasiment mot pour mot de celle du Frankenstein de 1931, on met le spectateur au parfum. Ce quâil sâapprĂȘte Ă visionner est violent, idiot, gore et salace. « Mr Rob Zombie pense quâil serait un peu mĂ©chant de prĂ©senter ce film sans un lĂ©ger avertissement. ». Le spectateur est prĂ©venu, Ă lui de choisir sâil suit les conneries du rĂ©al, ou pas.
Mais plus quâun dĂ©lire/dĂ©fouloir Ă©rotico-horrifique, The Haunted World of El Superbeasto reste attachant et hilarant Ă mes yeux. Outre sa multitude de gags, ce qui me plaĂźt le plus dans ce film tient Ă sa rĂ©alisation. Le rythme est trĂ©pidant, ne laisse aucun rĂ©pit au spectateur, dĂ©fonçant le quatriĂšme mur un nombre incalculable de fois jusquâĂ en devenir imprĂ©visible, sauvant par la mĂȘme occasion ses vannes des Ă©cueils graveleux dans lesquels il aurait pu tomber en crĂ©ant une surprise sans cesse renouvelĂ©e. Superbeasto sâassume complĂštement de A Ă Z (peut-ĂȘtre devrait-on dire de X Ă Z), et recherche en permanence lâinteractivitĂ© avec son spectateur Ă la maniĂšre dâun Bugs Bunny sous amphĂ©tamines. Que ce soit dans les chansons ou les dialogues, les scĂ©naristes prennent sans cesse du recul sur ce quâils ont Ă©crit pour entrer en connivence avec le public : dans une scĂšne trĂšs fortement inspirĂ©e de Carrie de Stephen King, une voix off dĂ©nonce le plagiat âDepuis que le film a commencĂ©, cette partie est la plus dĂ©bileâ. Câest facile, mais on tâavait prĂ©venu ! Peut-ĂȘtre que câest cette honnĂȘtetĂ© qui fait que la recette du film marche ? Toujours est-il que jâai pris un plaisir mi-nanardesque mi-dĂ©fouloir Ă regarder The Haunted World of El Superbeasto, qui mâa fait passer un excellent moment. Et jâai ri. Beaucoup.
Pour ceux qui connaissent Zombie, on retrouve son univers et ses rĂ©fĂ©rences dans ce film, de son amour pour les loups-garous au culte quâil voue au postĂ©rieur de sa femme. Puisquâil est un Ă©norme fan de films de genre, le rĂ©alisateur a surchargĂ© Superbeasto dâune mĂ©gatonne de rĂ©fĂ©rences. Le style graphique est trĂšs cartoonesque, lâanimation largement inspirĂ©e du style Nickelodeon, et le film grouille de camĂ©os plus ou moins gratuits. Entre autres, on aura droit Ă Jack Torrance qui donne un coup de hache Ă la mouche de Cronenberg, la CrĂ©ature du Lagon Noir en train de faire un cunilingus Ă la FiancĂ©e de Frankenstein, Captain Spaulding pelotant les fesses de Suzy X, Edward aux Mains dâArgent qui fait la queue pour entrer en boĂźte, Michael Myers en victime dâaccident de la route⊠De quoi remarquer des petits dĂ©tails Ă chaque visionnage.
Les acteurs se mettent au diapason du dĂ©lire avec un plaisir trĂšs manifeste. Ils sont tous excellents, et la muse Sheri Moon (sa femme, donc) ne fait pas exception. La BO du film comporte elle aussi quelques perles : mention spĂ©ciale Ă la chanson qui accompagne le combat entre Suzy X et Velvet, durant laquelle on apprend que se lustrer le champignon sur un animĂ© câest ok, les japonais le font tous les jours. Lâensemble est dâailleurs agrĂ©able Ă Ă©couter, et accompagne trĂšs bien le rythme du film.
PassĂ© le premier abord dâhumour gras, câest donc un dessin animĂ© trĂ©pidant, drĂŽle et bien fait que je vous propose de regarder ce mois-ci. Jây mettrai un bĂ©mol : si vous nâaimez pas le cinĂ©ma de genre, je ne pense pas que ce film vous plaira. Mais de mon point de vue, il est Ă voir au moins une fois ! Pour ĂȘtre tout Ă fait franche, lâĂ©criture de cette suggestion a Ă©tĂ© compliquĂ©e. Câest difficile dâexpliquer pourquoi un film aussi borderline est gĂ©nial, mais je lâai personnellement adorĂ©. The Haunted World of El Superbeasto est trĂšs peu connu en France, mĂȘme pour les fans de Rob Zombie. Et je pense quâil gagnerait Ă lâĂȘtre.
Que vous dire de plus ? Si toutefois vous aimez le cinĂ©ma de genre, lâhumour gras, les zombies nazi, les pin-up capables dâassommer un importun dâun coup de sein bien placĂ©, le jeu Twister, trouver mille et unes maniĂšres de qualifier un vagin, les chĂąteaux gothiques, Dr Jekyll et la famille Firefly, Goldorak, les ailes de poulet Ă©picĂ©es et les catcheurs mexicains, procurez-vous le film ! (promis, on ne dira rien si vous le tĂ©lĂ©chargezâŠ) Quitte Ă avoir une indigestion de rĂ©fĂ©rences pop-culturelles, ce sera toujours mieux que Ready Player One !