Monster – micronouvelle

tetes-reduites.jpg

Il y a du sang, par terre. C’est beau, sur le carrelage blanc.

J’y ai repensé, tout à l’heure, en allant voir ma Grand-mère. Quand j’étais p’tit, il y avait un bonbon que j’adorais manger, c’était les Monster. C’était gros, blanc, sucré, ça mettait un temps fou à être fini et ça devenait rapidement sale de tous les déchets qui traînaient dans mon cartable, mais j’aimais bien ça. Principalement parce que ma mère m’interdisait d’en manger. Trop de sucre, qu’elle disait, trop de produits chimiques. M’en foutais, j’aimais ça. Et ma Grand-mère, en cachette, elle m’en payait.

Aujourd’hui, Mamie est malade. Et moi je suis grand. J’y ai repensé en allant chez elle parce que son teint avait presque la couleur de mon plaisir coupable enfantin. Sa peau était blanchâtre, ses veines apparentes avaient ces couleurs roses et bleutées si caractéristiques.

Alors j’ai eu envie d’y goûter, à sa tête. Je me suis imaginé la couper, la réduire et la garder dans ma poche pour la lécher de temps en temps. Peut-être aurait-elle ce goût cancérigène que j’aime tant ?

Du coup, j’ai essayé. J’ai pris un grand et long couteau à viande qu’elle garde dans sa cuisine. Je lui ai planté profondément dans le cou, près de la carotide. Le sang a giclé tout de suite comme un geyser furieux, et elle n’a émis qu’un vague hoquet gargouillant avant de laisser ses yeux devenir vitreux. J’ai agrippé ses cheveux pour me donner une prise, faisant rougeoyer au passage sa choucroute hollywoodienne décolorée. J’ai entrepris ensuite de la décapiter, en ramenant la lame vers sa gorge. J’ai dû y mettre beaucoup de force, mais les tendons ont lâché comme des cordes de guitare. Regrettant de n’avoir pas choisi un couteau avec des dents, j’ai tout de même réussi à faire faire un tour complet à ma lame dans le cou de Mamie vers sa colonne vertébrale, détachant presque sa tête de ses épaules. Précisons que ses yeux sans expression me faisaient me sentir coupable, je les ai donc crevés avec des piques à bigorneaux. J’espère que l’humeur vitreuse qui en découla n’est pas salissante.

C’est dur, un os. J’ai tenté par tous les moyens de le scier, de le découper, rien à faire. Sa colonne vertébrale me résistait. Je décidai donc de la casser. L’un de mes pieds se cala contre un barreau de sa chaise pour assurer encore ma prise, et je lançai l’autre contre son crâne, en espérant le faire sauter en l’air comme un bouchon de champagne. Mais ma semelle fracassa son encéphale, et c’est avec sa matière grise que je fis connaissance. Elle était rose, cette substance-là. Rose avec des reflets rouges, mais tout de même. Alors, j’en goûtai un peu.

Ma Mamie n’a pas goût de bonbon. Dommage, elle ne m’offrira plus de Monster.

En tous cas c’est beau, ce sang par terre, sur le carrelage blanc.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s