
« Parmi la foule des voyageurs, pèlerins ou touristes qui se pressent à Jérusalem depuis des siècles, un petit nombre est victime de ce que les spécialistes appellent le syndrome de Jérusalem, sorte de bouffée délirante issue d’un choc émotionnel non maîtrisable lié à la proximité des Lieux saints. Chaque année, une quarantaine de personnes seraient hospitalisés à Jérusalem pour ce type de symptômes. Certains se prennent pour le Messie ou pour des personnages bibliques, haranguent les foules ou adoptent des comportements peu conventionnels, comme cette Anglaise qui, dans les années 1930, était convaincue du retour imminent du Christ et qui montait régulièrement sur le mont Scopus pour accueillir sa venue avec une tasse de thé. »
10 Juillet 2017. Retour à Jérusalem.
La première fois que j’ai posé le pied sur la Terre Sainte, j’avais 18 ans. J’ai toujours été persuadée que certains endroits dans le monde nous « attendent », en quelque sorte, comme si nous étions prédestinés à y aller. Et ce premier contact avec le Moyen-Orient fut un véritable électrochoc pour moi, qui a bouleversé ma vie. Sans me prendre pour la réincarnation de la Vierge Marie, tout là bas me fascinait. Les remparts blancs de la ville de toutes les religions m’ont émue, la première fois que j’ai pu les observer. Je me suis sentie écrasée par le poids de l’histoire, de la civilisation et de la foi qui y règnent, mêlés à ce conflit qui m’a heurtée de plein fouet. J’admirais la façon dont les gens pouvaient y être extravertis, ouverts aux autres, habitués à la débrouille et au système D. Je trouvais tout magnifique, le la Mosquée d’Omar aux sables du désert, en passant par les sourires des enfants.
Deux semaines, c’était trop peu de temps passé en Israël. J’y suis retournée une deuxième fois l’année d’après pour y faire du bénévolat dans une maison de retraite, le Home Notre Dame des Douleurs. (Documentaire Arte – Le Jardin de Jad )





L’expérience fut bouleversante. Bercée par les chants du muezzin, la Maison est coincée entre la vallée de Jérusalem et le Mur de démarcation que les israéliens ont construit. Le Mur en lui-même, recouvert d’appels à l’aide, au secours, à la paix, est à la fois terrifiant et bouleversant. La Maison, elle, est un havre d’humanité et de paix, où se battent des Soeurs de l’ordre des Filles de Notre Dame des Douleurs pour offrir un peu de dignité à des personnes vieillissantes, majoritairement d’origine arabe. Les moyens y manquent, mais ce qui y prime, c’est la vérité qui vient du coeur. Et c’est tout ce qui compte.
J’y travaillerai un mois. Je découvre que j’aime aider les autres, travailler au contact de mon prochain. Je voyage et découvre le pays au fil des jours. Le même sentiment de plénitude et de découverte m’habite. J’y reviendrai, c’est sûr. En attendant, je décide de me lancer dans des études pour devenir éducatrice spécialisée.
Six ans ont passé. J’ai presque 25 ans, et je retourne à Jérusalem. Cette fois, j’ai envie de partager l’aura de ce pays qui m’a vue grandir par deux fois avec quelqu’un que j’aime. Je pars donc avec Charlie, vers ce qui constitue pour moi d’une certaine manière un terrain initiatique.
Retour à moi-même, donc.
Train, Orly, décollage.
Le voyage se passe à côté d’un israélien ventripotent, en costume. Probablement un ultra-orthodoxe. Il est peu loquace, dommage.
A l’atterrissage, la première chose qui me marque de nouveau, c’est la densité de l’air. D’un coup, la température augmente de plusieurs degrés, et l’air se charge de poussière, de sable et de pollution.
Arrivée à Tel-Aviv, on cherche un taxi. Un israélien sexagénaire nous propose de nous emmener où on le souhaite pour un tarif réduit, on accepte. « On va au Home Notre Dame des Douleurs sur le Mont des Oliviers, vous connaissez? » « Oui oui, bien sûr! Ne vous inquiétez pas, je connais Jérusalem comme ma poche, c’est ma ville! » Lorsque notre chauffeur découvre que nous sommes françaises, son expression s’éclaire: « Je parle français! ». Aaron nous parle de sa famille, d’Israël. Il est en retraite, et continue son activité de conducteur de taxi pour s’occuper: « Ca fait un extra, pour faire des cadeaux à mes petits enfants! ». Il nous raconte les moeurs des israéliens: selon lui il est important d’avoir un bon niveau de vie pour pouvoir trouver un ou une compagne ici. « La vie est chère! ».
Notre chauffeur roule à tombeau ouvert sur l’autoroute, slalome entre les voitures qu’il double à l’envi. « Je sais que je roule vite, c’est normal ici. Regardez ce bus, il roule vite aussi, vous savez pourquoi? C’est parce que les compagnies ici nous donnent un quota d’heures à faire par jour, sans prendre en compte les pauses. Si on ne roule pas à cette vitesse, on a pas le temps de faire de pause! » Bon, je suppose qu’on a pas le choix de la vitesse de croisière…! On traverse des paysages désertiques. De temps, sur les dunes, on peut apercevoir des villes qui y sont perchées.


« Vous voyez, là bas? C’est Ramallah. Pour les palestiniens, c’est leur capitale. J’imagine que vous connaissez les actualités…? Alors vous savez que partout où il y a des arabes dans le monde il y a des problèmes. Nous les israéliens, sommes les seuls qui savons les tenir. Avec nous, ils se tiennent tranquilles. C’est pour ça que c’est bien qu’on soit là. »
On échange un regard avec Charlie. Ce n’est pas la peine de débattre avec lui, on se tait.


Finalement, Jérusalem se dessine au bout de la route.
Mêmes remparts blancs, même effervescence qu’il y a sept ans. La ville de toutes les religions est toujours aussi belle à mes yeux.
Notre taxi se dirige vers l’opposé de notre destination. J’espère qu’il a compris ce qu’on lui a dit. « Nous allons au Home Notre Dame des Douleurs, sur le Mont des Oliviers, vous vous souvenez? Vous savez où c’est? » « Oui-oui! »
La circulation est très dense, nous sommes pris dans des bouchons. Notre chauffeur peste contre sa climatisation qui marche mal, coupe la route à plusieurs voitures, mais roule au moins à une vitesse décente. En revanche, il ne se dirige toujours pas vers lbon endroit.



» – Voilà, nous sommes arrivés!
– Non, là c’est Notre Dame Center, un hôtel. Nous, nous voulons aller au Home Notre Dame des Douleurs, sur le Mont des Oliviers.
– Ah bon? Mais il fallait me le dire! Où c’est, votre truc? Je ne connais pas, il va falloir me guider. » Aaron opère un virage dangereux en plein bouchon en coupant la route à deux autres voitures, et repart dans la direction opposée. En voulant trouver un raccourci pour éviter les bouchons, il nous perd au sommet du Mont des Oliviers, rentre dans un cimetière et y reste bloqué, klaxonne comme un fou pour qu’on vienne dégager la route, ressort en marche arrière, repart à grande vitesse sur la route principale maintenant dégagée avant d’arriver dans le quartier de Ras Al Hamud, puis au bon endroit.
Je reconnais la station essence, le Mur, qu’il faut suivre pour arriver au Home. Enfin. Nous y sommes.



Le Home a l’air d’être le même qu’il y a sept ans. Même temporalité, même résidents. J’en reconnais quelques-uns. C’est merveilleux, j’ai l’impression de revenir dans le passé, dans un bon souvenir.
Retrouvailles chaleureuses. Rencontres. Que c’est bon d’être de retour.
Après le repas du soir entre bénévoles, je retrouve le rituel du petit verre face à la vue incroyable de la terrasse du Home, avec une cigarette. Jérusalem et sa vallée résonnent de musique, de feux d’artifice, de pétards. Les palestiniens fêteront ainsi toute la nuit les résultats du Baccalauréat.
Nous nous endormons bercés par toutes ces explosions de joie.
A suivre…




Plus de voyage :
– Allahu Akbar – Ave Maria – Tania Kassis live
– Documentaire Arte sur le Home Notre Dame des Douleurs
– Page facebook du Home Notre Dame des Douleurs