
Voilà une colline balayée par les vents, qu’encerclent des arbres plusieurs fois centenaires et des pierres levées, qui leur sont jumelles. C’est un cercle de menhirs séculaires, d’où semble émaner une douce lueur. Et cette lumière perce et transperce la nuit comme le feraient les premiers rayons du soleil au matin. Et de cette lueur s’élève un doux chant, accompagné d’étincelles.
Tu t’approches sans bruit, observant la scène de derrière une roche.
Des fées dansent.
Des féétauds chantent.
Des fées dansent au rythme du chant des féétauds.
Et leur harmonie est la plus belle chose qui ait jamais été donnée à voir. Les faëes tournent, virevoltent, se cambrent et sautent à l’impulsion des voix célestes qui les entraînent sans plus finir. Elles sont belles, si belles… Les fées ne sont plus que des notes, des arpèges, des accords en cascade qui descendent des étoiles pour former le plus beau des manèges qui tourne avec une grâce infinie.
Tu croirais sentir ton coeur s’envoler à l’écoute de ces voix qui résonnent sur la colline comme rien au monde. Tu pourrais rester toute ta vie à regarder les fées tournoyer en grandes traînées de lumière, caché derrière une pierre levée. Tu voudrais que ces jolis sourires explosent en milliers d’éclats pour qu’une parcelle vienne se loger dans ton coeur pour toujours, et que vienne enfin le bonheur. Tu te dis qu’après avoir assisté à ça, plus rien n’aura jamais de saveur; que chaque seconde à vivre encore sera à jamais emplie de cette magnificence, de ces voix, de cette tendresse, et de regrets de ce moment perdu.
Comme tu aimerais les rejoindre, et devenir l’un des leurs! Un puissant désir de sentir le parfum qu’elles dégagent et de t’immiscer dans leur rite monte en toi.
Tu voudrais les regarder voler jusqu’à ta mort. Tu le désires tellement que des frissons te dévalent l’échine. Une montée d’adrénaline électrise tous tes membres. Tu as des difficultés à rester assis, et tes mains caressent nerveusement la pierre tiédie par la chaleur douce des fées.
C’est alors que le besoin devient nécessité. Tu te lances vers le cercle de la danse, pris par un élan d’amour incommensurable.
C’est lorsque tu sens les centaines de petites dents qui se plantent dans ta chair que tu comprends que la danse était un rituel prévu pour attirer une proie. Et à la vue de ton sang qui macule déjà l’herbe verte, tu comprends que tu t’es fait avoir.
Tant pis.
image : Andy Thomas – Potassium Tree